Je suis ici pour acheter mon shawarma en bitcoins
, affirme-t-il fièrement, aux côtés du proprietaire du restaurant. Il presse l’écran de son pouce gauche. Voilà, c’est fait!
s’exclame-t-il, sous les applaudissements de la foule.
Celui qui aspire à devenir chef du Parti conservateur veut faire du Canada la capitale internationale du bitcoin. Une façon, selon lui, de lutter contre l’inflation monétaire
.
On va donner aux gens la liberté, la LI-BER-TÉ de choisir leur propre monnaie
clame Pierre Poilievre, sans que la Banque du Canada puisse intervenir pour imprimer de l’argent et dévaloriser la devise
.
Pierre Poilievre blâme la Banque du Canada pour l’inflation qui frappe le pays, et prétend qu’en investissant leur argent dans la cryptomonnaie, les Canadiens pourront contrer les effets de la hausse du coût de la vie.
Le reportage de Christian Noël
Photo : YouTube (Tahinis Mediterranean Cuisine)
C’est un message qu’il répète dans ses rassemblements et sur des chaînes YouTube spécialisées dans les cryptomonnaies. En fumant la chicha avec son hôte (Nouvelle fenêtre). Ou en discutant avec un animateur dont le discours flirte parfois avec les théories du complot (Nouvelle fenêtre).
Un jeu dangereux
La volatilité du bitcoin est parfois inexplicable
, raconte Simon Dermarkar, professeur à HEC Montréal. Ce n’est donc pas une valeur stable pour protéger ses économies, ajoute-t-il.
Une adoption du bitcoin à plus grande échelle ne signifie pas que ça deviendra le moyen ultime de contrer l’inflation
soutient Simon Dermarkar.
Le bitcoin est une monnaie numérique dont la valeur fluctue comme une action en bourse. La cryptomonnaie n’est contrôlée par aucune banque centrale et les transactions sont difficilement traçables. Elle est donc prisée sur le marché noir et par le crime organisé.
En ce sens, le discours de Pierre Poilievre, qui dénigre la Banque du Canada et qui favorise la cryptomonnaie au détriment du dollar canadien, est un jeu dangereux
selon Geneviève Tellier, professeure de science politique à l’Université d’Ottawa.
Il est en train de miner la confiance envers les institutions financières et bancaires et envers le dollar canadien.
Alors, pourquoi un ancien ministre sous Stephen Harper fait-il la promotion du bitcoin dans son discours politique?
Ça séduit les gens qui se sentent laissés pour compte actuellement, surtout en terme économique, les gens dont le niveau de vie n’a pas vraiment augmenté depuis les dernières années
croit Mme Tellier.
Un message populiste, antiélite et antiestablishment, qui fait notamment écho aux frustrations exprimées par les camionneurs qui ont convergé vers Ottawa cet hiver. D’ailleurs, les organisateurs du convoi faisaient la promotion du bitcoin pour amasser des dons, sans interférence du gouvernement.
N’empêche, le discours du candidat conservateur sur la cryptomonnaie est reçu positivement dans certains milieux.
Un vent de fraîcheur
Simon Guindon investit en bourse à temps perdu. Le message de Pierre Poilievre l’interpelle.
Il me fait plus penser à un humain qu’à un politicien, il est ouvert à la discussion, à l’innovation et à prendre des risques
avec le bitcoin. Comme moi
ajoute-t-il.
Simon Guindon vante lui aussi les vertus de la cryptomonnaie. Ça permet de donner le contrôle à l’individu et non au gouvernement et aux banques
selon lui.
L’objectif du discours sur le bitcoin de Pierre Poilievre est aussi stratégique, pour faire le plein de sympathisants dans la course à la direction.
C’est un hameçon, une accroche
lance le stratège conservateur Rudy Husny. Il ya beaucoup d’électeurs qui souvent ne se sentent pas interpellés par le discours politique.
« Avec un sujet ciblé comme [la cryptomonnaie], on atteint un cercle assez fermé. On joint de futurs membres assez motivés par un sujet qui les interpelle. »
En rejoignant un nouveau bassin d’électeurs, ça permet de faire le plein de membres auxquels les autres candidats n’auraient pas accès, un peu comme Andrew Scheer l’a fait avec les producteurs laitiers ou Erin O’Toole’ propriéc armes à feu.
Aux yeux de Simon Guindon, le message de Pierre Poilievre est un vent de fraîcheur
.
Pourtant, en 2015, il a voté pour Justin Trudeau. J’étais pour la légalisation de la marijuana, confie-t-il, parce que c’était proactif et innovateur.
Cette fois, le discours sur le bitcoin l’attire pour les mmes raisons.
D’ici la semaine prochaine, je vais être membre conservateur, juste pour pouvoir donner mon vote à Pierre
révèle M. Guindon.
Pierre Poilievre attire donc les partisans du bitcoin, mais, pour le moment, sa campagne n’accepte pas les dons en cryptomonnaie.